Le moment du départ tant attendu est arrivé. Bien que préparé depuis presque un an, le retour en Inde se sera fait des conditions pour le moins imprévues...
C'est en effet en laissant Sylvain en France que je me suis envolé mercredi soir pour Calcutta, une mauvaise chute à ski l'ayant contraint à repousser d'un mois son départ. C'est une vraie tristesse de démarrer ainsi, mais nous espérerons que la liste des pépins physique s'arrêtera là où elle a commencé. La bonne grippe que j'ai attrapée il y a quelques jours ne pourra elle qu'à peine figurer dans les annexes de cette même liste; néanmoins elle aura eu le mérite de démontrer jusqu'où allait la solidarité de notre équipe lors de la petite présentation du projet que nous avons faite le 4 janvier à Paris en présence d'une cinquantaine de personnes. Un boiteux et un fiévreux incapable de prononcer deux mots: voici donc les deux beaux champions qui s'apprêtent à découvrir le monde ! Solidarité donc, crédibilité aussi, auront été les deux maître mots de ce « pot de départ ».
Retour en Inde disions-nous. Après une escale à Bombay somme toute tranquille (une grève de la compagnie publique IndianOil retarde quelque peu le trafic aérien), me voici à Calcutta. Retour dans cette ville vivante à en être de partout débordante, et transport taxi express avec un chauffeur qui mérite bien le titre de fou du volant. Le grand jeu: passer le plus proche possible de tout ce qui roule, marche, se pousse, se tire, se traine... Catastrophes évitées de peu - pas les insultes. Mais rien que d'assez ordinaire. Par contre, le contre sens sur la voie rapide qui mène au New Bridge me laisse toujours un peu sans voie...
La journée de voyage se terminera à pied pour les derniers kilomètres; les rues menant à Lalkuthi, le centre de l'association Howrah South Point où je me rends étant fermées pour une fête musulmane riche en lumière, en sabres, bâtons et drapeaux (du parti communiste - à la tête de l'état du West Bengal). Comme souvent la rue est un lieu d'expression, de fête, un spectacle, un lieu peu fréquentable pour les voitures.
Cette journée où en quelques heures j'ai fait ce que nous déferons consciencieusement en 7 mois, cette ambiance que je connais si bien mais qui reste toujours étonnante, me font me redemander un instant ce qui nous a bien pu nous pousser dans ce projet... Quelques pas encore et me voilà qui pousse les portes du foyer de Lalkuthi; la réponse est là, évidente, dans le sourire de toutes les filles du centre qui m'accueillent d'un chaleureux « Namaskar Ailred dada! »
Pour la suite la première étape sera d'obtenir les autorisations pour acheter le rickshaw, en faire l'achat, passer encore quelques formalités administratives, puis en route!
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Voici maintenant trois semaines que je suis en Inde et le projet Trip’porteur a bien avancé. Mais cela n’a pas toujours été sans mal… En effet il a fallu confronter les renseignements obtenus en France à la réalité du terrain.
Alors que Sylvain me rejoint ce soir, il est temps de faire un peu le point sur les semaines passées.
Je me suis d’abord lancé dans les démarches pour les autorisations, les documents nécessaires pour acheter un triporteur et circuler avec. Questions principales : que dois-je faire pour pouvoir acheter un rickshaw, est-ce que je peux rouler avec jusqu’à Wagah (la frontière du Pakistan), quels documents dois-je fournir, permis ?
A Calcutta j’ai donc fait plusieurs visites au Writer’s Building, le centre de l’administration du West Bengal. Je me suis retrouvé dans des bâtiments immenses, avec, dans chaque bureau visité, une nuée de clerc, des piles de dossiers (empilés le plus souvent, effondrés parfois…), des machines à écrire qui remplissent l’atmosphère de leurs cliquètements réguliers, des vendeurs de thé… Tout cela pour l’impression générale. Reste que pour ce qui concerne le projet, ce qui est possible n’est pas très clair. Mais il semble bien difficile d’acheter un rickshaw ! A chaque bureau sa réponse ou presque.
Les jours qui suivent j’aurais l’occasion de visiter le District Magistrate de Howrah, le Private Vehicule Department de Beltala,… à la recherche de réponses précises. Généralement la première chose qu’on me conseille c’est de me renseigner auprès d’un bureau qui se trouve immanquablement être justement celui qui m’a envoyé là où je suis… A force de patience on finit tout de même par trouver quelqu’un qui a l’air plus au courant. Résultat des courses : achat d’autorickshaw impossible au West Bengal (la réglementation a changé et ne permet que le renouvellement d’ancien véhicule, de plus les zones sur lesquelles peut circuler le véhicule font l’objet d’un permis – généralement un trajet très précis de quelques kilomètres en dehors duquel il est impossible de s’aventurer). Reste que l’achat d’un triporteur classique est autorisé. Ce sera la porte de sortie plutôt que la tentative d’un achat hypothétique dans un état voisin. Pour les documents il me faudra une attestation de domicile en Inde valable… Quand au permis de conduire, le permis international est bien valable mais environ 20% des gens sont au courant. Ca augure mal de ce qui peut se passer sur la route. Et le délai d’obtention à Calcutta est de un mois. Je patauge un peu et le temps passe vite ; et la semaine qui arrive ressemble au mois de mai en France : jeudi bandh (grêve générale), vendredi férié pour l’anniversaire de Nétaji, puis le lundi encore férié pour le Republic Day !
Après deux semaines à Calcutta je pars à Siliguri (dans le Nord) voir si l’herbe est plus verte, les prix plus bas et l’administration plus souple. Bonne pioche. Bien aidé par les relations de Howrah South Point j’obtiens le permis dans la journée (ce qui me permettra en outre d’avoir une attestation de domicile)! Je finalise ensuite l’achat du triporteur, un delivery van Bajaj vert pomme que je ferai customiser pour aménager l’arrière.
Pour l’administratif les dernières craintes concernent les autorisations pour circuler dans les autres états. Il semble bien qu’il n’en faille pas mais j’ai eu beaucoup de réponses différentes sur le sujet, méfiance… Prime de la réponse la plus originale : « aucun problème, partout sauf à Siliguri ! ». Un peu comme si on vous disait que vous pouviez rouler avec votre 2CV dans tous les pays d’Europe sans problème sauf à Trouville les Carottes.
Dernière étape : le paiement. Le magasin ne prend pas les cartes bleues, je n’ai pas de chéquier en Inde et je m’étais donc mis d’accord avec le magasin pour payer par virement. Malheureusement le magasin est incapable de me donner les coordonnées de son compte (code IBAN et SWIFT pour être précis). Malgré de nombreux coup de fils le lendemain, je n’obtiens pas les informations. Je ne sais pas si c’est de la mauvaise volonté ou vraiment de l’ignorance... Je finis par avoir directement au téléphone le directeur de l’agence de leur banque qui n’en sait pas plus (il n’a jamais entendu parlé d’IBAN ou de Swift). Tant pis, je renonce, je paierai en cash ! J’ai donc fait quelques trajets les sacoches bien remplies de liasse de billets de 500, 100 et 50 roupies!
Maintenant le véhicule est au garage pour modification, reste l’enregistrement du triporteur et le permis de Sylvain avant de pouvoir prendre la route !
Beaucoup de chose cette fois sur les préparatifs, peu sur la vie en Inde et pourtant il y a tant à dire ! Je vous fais découvrir par quelques photos une partie de ce qui a aussi remplit ces trois premières semaines. Photos
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux…
dit-on…
Vous avez aimé ‘‘Sylvain avec des béquilles’’ ? Vous allez adorer ‘‘Sylvain se fait opérer d’une hernie’’…
Non ce n’est pas une blague…le souci détecté l’été dernier et qui ne nécessitait pas d’opération, s’est manifesté à nouveau est a nécessiter une intervention. Mais reprenons par le début :
Le 1er février enfin j’arrive à Calcutta après 1 mois de convalescence à Marseille.
Je passe 2 jours sur place, puis nous allons à Jalpaiguri, dans le nord avec Ailred, où nous devons rester 10 jours le temps de retrouver les amis indiens d’HSP, de prendre possession du triporteur et de finir les papiers.
Des retrouvailles rapides dans le centre de Jordighi, une visite au service des transports du district, un coup d’œil au véhicule qui nous attend sagement pendant que nous alignons les biftons (on a tout payé en liquide autant dire qu’on a fait fumer les distributeurs de monnaie…). Notre bête de course est pour le moment en cours de customisation, explication : on n’arrivera pas à acheter le modèle transport de passager que l’on souhaitait, on a donc acheté le modèle transport de marchandise qu’on fait modifier. Il sera plus lourd mais plus puissant ce qui ne sera pas négligeable et il roule au diesel.
Je vais ensuite chez le premier docteur venu pour me tranquilliser l’esprit. La tuile : urgence, admission immédiate si possible. Je ne sais pas trop ce que vaut la clinique, c’est pas hyper propre et le chirurgien joue au démineur pendant qu’il me parle… je préférerais me faire opérer à Calcutta. Petit coup de bluff, l’hernie était étranglée, j’ai failli y laisser un morceau. Départ donc le lendemain en avion, je suis admis à l’hôpital Apollo Gleneagle et je me fais opérer le soir même.
Je me suis donc fait donc ma petite expérience de l’hôpital à l’indienne mais avec un confort quasi occidental. On s’est occupé de moi avec beaucoup de prévenance, on s’est enthousiasmé à propos de mon bengali. J’ai découvert Ailred en garde malade, j’ai des visites des personnes de HSP et des coups de fil pour ne pas m’embêter.
Je ne dirais pas que ce furent 6 jours de pur bonheur, mais ça aurait pu plus mal se passer…
Allez, la situation n’est pas si désespérée, mais je suis obligé à encore plus de prudence, je vais devoir prendre 3 semaines de repos avant le voyage ce qui va faire revoir nos plans.
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Après les péripéties médicales qui ont quelque peu modifié notre planning de démarrage, nous voilà enfin sur la route depuis quelques jours!
Les derniers préparatifs sont faits, le véhicule ressemble enfin à un moyen de locomotion indien, c’est-à-dire avec son quota de décoration, de fleurs, de peintures !
Les départs (puisque en fait nous aurons droit à une cérémonie dans chaque centre de Howrah South Point) se font avec une certaine tristesse, celle de quitter nos amis, mais aussi dans la joie de démarrer enfin notre aventure !
Pujas et bénédictions se succèdent à un rythme effréné, aussi bien pour le triporteur que pour les courageux pilotes. Parés ! La presse locale s’enflamme (!), pas moins de douze journalistes viennent à notre rencontre ; l’occasion d’expliquer notre projet, de faire connaître Howrah South Point, et de passer à la télé bengalie (en BO).
Les premiers kilomètres de route seront ceux qui relient Siliguri à Kolkata, même si cela reste en quelque sorte une étape « logistique » puisque Sylvain n’y participe pas (il lui reste encore quelques jours de repos à observer avant de pouvoir prendre la route). Ailred part le 25 février avec Fanny, une volontaire qui travaille sur un projet de panneaux solaires pour HSP. Alternance de routes importantes et de chemins de traverse font des trois jours de route un bon aperçu de ce que peuvent nous réserver les routes indiennes. La période est préélectorale, les travaux sur les routes indiennes sont légion, ce qui n’empêche pas de tomber par moment sur des véritables champs de mines.
Pique-nique dans les rizières, passage dans les petits villages du Bengale, nuit chez l’habitant dans une maison en bambou : c’est une vraie plongée dans le cœur rural du West Bengal.
A Calcutta, le duo se reforme. Les cérémonies de départ reprennent. Nous profitons des quelques heures qui nous séparent du départ pour visiter Ashaniketan (l’Arche) à Calcutta. Et le 04 mars nous voilà partis. La première étape est courte : elle nous mène au garage. Rien d’inquiétant, il nous faut faire faire la maintenance. La compétence des garages n’est pas flagrante : nous avons bien fait de nous former avant le départ puisque au final c’est nous qui faisons les mécaniciens !
C’est depuis un balcon face à la Mère, entendez- le Gange, que vous parvient cette chronique du Trip’porteur. Un petit vent arrive avec le soir, les barques glissent lentement sur le fleuve et les cerfs-volants guidés depuis les toits se disputent la conquête du ciel. Les touristes japonais ont fini leur séance de djembé, les chiens se sont tus, les moustiques ne sont pas encore là, un délicat fumet monte de l’élevage de buffle qui se trouve sous nos fenêtres. Une dame est d’ailleurs en train de ramasser leur bouse et, consciencieusement, monte un petit muret.
Nous avons taillé la route. A vrai dire, le chemin des écoliers, quelques 1100 km depuis Calcutta, en 10 jours.
Nous avons démarré par la grande plaine nourricière qui entoure Calcutta et la ravitaille en fruits et légumes. Notre première nuit d’ailleurs, fut chez un propriétaire musulman, qui nous a emmené le soir venu compter les sacs de patates…
Puis nous avons abordé une région plus aride, où l’on ne cultive le riz qu’une fois l’an après la mousson. Hébergés dans une école nous avons pu effectivement constater que la pompe à main ne donnait plus qu’un filet ridicule. En cette période, pour le bain, les villageois doivent se rabattre sur la mare… A Asansol, chef lieu de ce district nous avons rendu visite à la communauté de l’Arche, qui fait vivre ensemble assistants et co-members, les personnes handicapées mentales. Nous sommes particulièrement touchés par le message que nous délivrent les assistants que nous interrogeons : les personnes handicapées mentales leur enseignent l’amitié vraie et le sens du pardon.
Une halte chez le père Laborde à Shantinagar, au bord d’un lac de retenue nous a permis de recharger nos batteries, électriques, physiques et spirituelles !
Est venu ensuite le Jharkand que nous avons abordé par les petites routes, pas toujours en excellent état…à se demander quelquefois où il est possible de passer. Pour être tout a fait honnête, nous devons saluer l’état de Grand Trunk Road, 2x2 voies avec terre plein central, colonne vertébrale du nord de l’Inde, qui reliait déjà sous l’Empire Anglais, Calcutta à la passe de Khyber donnant accès à l’Afghanistan. Le revêtement est excellent, le trafic étrangement faible et c’est gratuit pour les 3-wheelers ! Il faut simplement se méfier des véhicules qui l’empruntent dans le sens inverse, sur la file rapide naturellement pour respecter le sens de croisement. Comment leur en vouloir ? Quel intérêt d’attendre le prochain échangeur pour faire demi tour…
Au Jharkand donc nous avons visité Parashnat, haut lieu de la foi Jain. Assez haut d’ailleurs pour me décourager d’emblée de gravir le mont. Il semblerait qu’Ailred ait mis une claque au temps de référence, en escaladant à toute vitesse les 1000 m de montée et les 18 km aller retour. Il est vrai que contrairement au pèlerins il ne montait pas pieds nus et à jeun. Il est vrai aussi que contrairement aux femmes des populations tribales qui vendent leur marchandise au sommet, il ne portait pas un cylindre de gaz sur la tête ou 18 litres d’eau !
Comme le Bihar son voisin, c’est un état assez pauvre et nous avons touché du doigt la réalité de l’exode vers Calcutta en quête de travail, passant la nuit dans un village éloigné de tout nous n’avons pas eu de mal à trouver des interlocuteurs en bengali alors que la langue de l’état est l’hindi. Tel ce chauffeur de rickshaw à la gare de Sealdah, revenu pour les fêtes au pays et qui nous parle si ouvertement de l’accueil des étrangers et de l’organisation en castes du village.
Des petites loupiotes dérivent maintenant sur le fleuve, le son des conques retentit à l’arrivée du soir, les moustiques arrivent, deux singes foutent la pagaille dans le manguier.
Le passage du Jharkand au Bihar ne s’est pas fait sans « mal », nous avons été prélevés de quelques centaines de roupies, des road taxes « locales » à proximité de la frontière. Nous avons compris le truc : s’il n’y a pas d’uniforme (ce qui ne garantit pas, loin de là, la légalité de la taxe…), nous fonçons…à 40 km/h…si on nous fait signe de nous arrêter. Petit plaisir après la frustration de se faire racketter !
Au Bihar première halte à Bodgaya, où le Buddha eu l’illumination. L’atmosphère était quelque peu particulière, d’un côté moines de tous horizons, de l’autres jeunes s’arrosant et, nous avec, de peinture, fête de Holi oblige. La halte suivante fut pour Sasaram, superbe mausolée musulman au milieu d’une pièce d’eau, d’autant plus beau que complètement inattendu pour nous. Nous trouvons le gîte le soir dans un village de Brahmanes, qui poussent le sens de l’accueil jusqu’à nous faire préparer, à l’extérieur de la maison et par une personne d’une autre caste, un repas à base de poulet. Et nous sommes invités à dormir sur le vaste lit occupé par les hommes dans la pièce principale, sans façon…
Trois semaines depuis notre passage à Varanasi (Bénarès), et combien de merveilles se sont livrées à nous. Ce billet, débuté à Panipat (réputé pour être l’endroit en Inde le plus infesté de puces – dixit le Lonely Planet) s’achève dans les hauteurs de la Kinaur Valley, dans les contreforts de l’Himalaya.
Reprenons donc notre récit à Varanasi ; cette cité peut être un aboutissement pour les hindous, qui y trouvent en y mourrant une porte de sortie du cycle des réincarnations (samsara). C’est pour beaucoup aussi un point de départ, ou du moins une étape, sur un chemin personnel. Varanasi est ainsi un lieu où l’on rencontre parmi une faune assez hétéroclite d’étrangers beaucoup de personnes en recherche, chacune sur un chemin personnel, souvent original. Lors de nos visites aux Petites Sœur de Jésus, dans leur ashram au bord du Gange, nous rencontrons ainsi un français qui monte une petite communauté pour venir en aide aux souffrances physiques mais aussi morales des plus pauvres… Autre type de rencontre : au sommet d’un roof top restaurant, nous tombons sur un ami de Sylvain perdu de vue depuis 10 ans ; le voyage réserve de ces surprises !
Varanasi fut aussi l’occasion de visiter une nouvelle association, Kiran Village. Si la visite d’une journée se révéla courte, nous avons été marqués par le souci de mettre les personnes accueillis par Kiran dans les meilleures conditions, mais nous vous en disons plus ici.
Lors de notre départ de Varanasi, nous tentons un raccourci audacieux : au lieu de retourner sur les grands axes pour passer le Gange, nous empruntons un pont flottant qui nous fournit quelques émotions. On comprend que l’on n’y trouve presque que des vélos !
La route qui nous mène à Allahabad nous permet de goûter à l’hospitalité du Panchâyat (maire) du village où nous nous arrêtons. Après un petit détour par Chitrakut, un lieu de pèlerinage hindou dont nous apprécions le calme (c’est assez rare), nous prenons cette fois les chemins de traverse. Prenant notre courage à deux mains et le volant de l’autre, nous nous lançons sur de petites routes. Le risque : trouver après quelques kilomètres une route défoncée, un gué, une route barrée, que sais-je encore. L’espoir : quitter les grands axes, et trouver une route calme, dans une campagne belle et accueillante. Pari gagné ! Un vrai bonheur.
Entre Varanasi et Delhi ce sont les trésors de l’Inde qui se livrent à nous : Khajurâho, ses temples et statues qui témoignent d’un art à son apogée, avec une profusion à l’extérieur des temples qui laisse place au cœur du sanctuaire à la sobriété, comme pour dire que l’on ne trouve Dieu qu’après avoir abandonné le « superflu »… Orrcha, cité royale abandonnée, aujourd’hui simple village au bord d’une rivière, semé de palais, de temples, témoins d’un passé si riche. Agra et le Taj Mahal, Fathepur Sikkri, une autre capitale abandonnée, Gwalior,… tant de merveilles se succèdent sur notre route.
Les trésors de l’Inde ce sont aussi ces familles qui nous accueillent chez elles, avec simplicité et chaleur. L’expérience est toujours riche, épuisante aussi quand il faut répondre aux questions (en hindi) de tout un village qui vient tour à tour voir les premiers étrangers à s’arrêter ici, de mémoire d’homme. Au Rajasthan, pour la première fois, nous rencontrons les femmes de la famille, et ce ne sont pas les moins rapides à nous interroger !
Mais le voyage n’aurait pas la saveur de l’aventure sans quelques péripéties. Arrêtés pour un contrôle de police, nous sommes contraints de rebrousser chemin sur 60 km (ce qui n’est rien quand on roule à 30 km/h de moyenne…) pour nous acquitter de la « road tax » de l’état de l’Uttar Pradesh que nous avions esquivée. Nos protestations de bonne foi n’y font rien, et nous voyons avec appréhension partir les papiers du triporteur que nous sommes sensés récupérer au paiement de la taxe. Après deux heures de route, plus une heure d’attente pour la réparation du seul distributeur de billet à 50 km à la ronde ( !), nous arrivons au bureau de perception. Evidemment nos papiers ne sont pas arrivés, nous sommes jeudi, le lendemain est férié, puis le WE… Si nous ne récupérons pas les papiers aujourd’hui nous sommes bons pour rester 4 jours à Mahoba, dont personne n’a sûrement jamais entendu parlé, et pour cause, il n’y a rien à y faire. Nous éviterons ce désagrément, nos papiers arrivent et c’est animés de l’envie de bien faire que nous nous dirigeons vers le Maddya Pradesh : cette fois nous paierons la taxe ! Scénario incroyable : les « douaniers » ne veulent pas nous faire payer (« you are foreigners, you are our guests, you will not pay the tax », « vous êtes étrangers, vous êtes nos hôtes, pas question de payer de taxe »), et c’est nous qui réclamons de pouvoir la payer. Nous n’aurons pas gain de cause. Le monde à l’envers !
L’arrivée à Delhi nous fait entrer dans une Inde nouvelle : les allées sont vastes, la circulation parait organisée, pas de vaches, de chameaux ou d’éléphants au milieu des voitures, de grands immeubles modernes, des voitures personnelles… En sortant de 3000 km dans le West Bengal, le Bihar, le Jarkand, l’Uttar Pradesh et le Maddya Pradesh, tout cela nous paraît très « civilisé ». Nos commentaires ne manquent pas de surprendre nos interlocuteurs occidentaux de Delhi, qui n’ont pas les mêmes critères d’évaluation. Les quelques jours passés à Delhi sont l’occasion de reprendre une vie très « mondaine » : dîner, repas, profiteroles, un charme oublié.
A Delhi, nous passons un certain temps à circuler au milieu d’un vaste chantier (construction dans toute la ville d’un nouveau métro) à la recherche d’un garage Bajaj pouvant faire la révision du triporteur. Et nous ne trouverons pas, personne n’étant habilité à s’occuper d’un véhicule diesel depuis que les seuls véhicules commerciaux autorisés dans la ville sont ceux roulant au gaz. C’est bien notre chance… Nous aurons au moins su éviter les contrôles de police sur ce point, puisque nous aurons roulé près de 300 km en toute illégalité.
Delhi c’est aussi les vestiges Moghols : palais, mosquées, et mausolées (dont les proportions importantes malgré l’architecture équilibrée semblent être un défi au temps, et à la mort qui a frappé).
C’est aussi enfin l’occasion d’une visite chez CAN – Concerned Action Now -, basée dans le Sud de Delhi et qui elle aussi travaille auprès des personnes handicapées, qui se veut un laboratoire d’étude et réflexion sur la place de la personne handicapée dans la société. Reportage ici.
La suite de notre voyage nous emmènera dans le Nord, vers les montagnes immenses de l’Himalaya… mais un peu de patience.
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